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1.2.4 La maîtrise d’ouvrage face au patrimoine historique
Q
u’il s’agisse de bâtiments classés ou non, chacun peut se poser la question des limites des
réhabilitations face à la charge symbolique et culturelle d’immeubles construits un siècle ou plus
auparavant : jusqu’où aller ou ne pas aller ? Face à cette question, au cours de l’élaboration du
projet de restauration de la ferme de Beaurecueil (bâtiment historique non classé) le propriétaire, la
commune, a laissé toute liberté au maître d’ouvrage pour autant que l’aspect final de l’édifice soit
conforme à l’allure d’origine. L’objectif esthétique n’est pas tant la reconstitution ou le maintien d’une
image « comme à l’origine », tel que cela l’est pour l’Hôpital Caroline, mais de permettre au bâtiment
d’être utilisé dans des conditions contemporaines tout en gardant sa charge patrimoniale, tel que
pour le fort Gibron à Correns (Var).
La volonté de conservation patrimoniale n’est pas critiquable en elle-même. Elle peut se comprendre
comme partie de la composante culturelle d’une réhabilitation en s’inscrivant dans une perspective
de développement durable. La réalisation d’un bâtiment à basse consommation d’énergie, par ailleurs,
ne résume pas l’objectif de « soutenabilité ».
Il y a donc des compromis à trouver, des équilibres à rechercher entre ne rien modifier et tout
changer, des innovations à envisager. Dans ce sens, toutes les étapes de la préparation d’une
réhabilitation jusqu’à sa mise en chantier imposent des débats, des actions démonstratives, de la
conviction et donc un savoir-faire de médiateur et de passeur : médiateur entre les acteurs, passeur
d’idées et de techniques adaptables et adaptées. Tout ceci en mettant à distance les théories.
Il est important, au-delà des positions et des
théories, de se souvenir que chaque restauration
est une aventure singulière :
« Chaque édifice
a sa vie propre et toute doctrine ou école
de restauration est réductrice. Il convient
de s’imprégner du bâtiment, de sa « vie » et
de son environnement »
8
. Ce qui est conforme
à la posture de l’architecte ayant conduit la
réhabilitation de la mairie de Correns et du Fort
Gibron : avant d’entreprendre une réhabilitation
il s’agit, tout d’abord, par une phase d’études
approfondies tant du point de vue de l’usage,
des techniques, qu’historique, de « faire parler
le bâtiment, de le révéler d’une manière quasi-
photographique afin d’en d’acquérir une connaissance intime ».
« Chaque projet est une aventure unique, spécifique et particulière qui met en scène un maître
d’œuvre, un maître d’ouvrage, des contraintes (lieu, financement, temps), des entreprises, un édifice,
des associations ou spécialistes [...] L’architecte avec le maître d’ouvrage est un chef d’orchestre.
La réussite d’un projet dépend de sa capacité à diriger et faire évoluer les intervenants. Elle dépend
beaucoup de la qualité des acteurs qui l’accompagnent »
9
.
Entrages (04)
Réhabiliter avec le territoire : CADRE GÉNÉRAL 2012
8
P. Kalck (Céreq), J. Pillemont (CERFISE), La contribution des architectes à la structuration d’un champ professionnel de conservation
du patrimoine architectural, Cereq, Net.Doc 16, juin 2005
9
Architecte des bâtiments de France cité par P. Kalck (Céreq), J. Pillemont (CERFISE) (ci-dessus)